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L'invisible diversité du cirque québécois 

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L'invisible diversité du cirque québécois
Photo: Maja Prgomet A scene from "Corteo", by Cirque du Soleil
March 8, 2023


Catherine Lalonde, Le Devoir, March 4, 2023.

On ne peut pas saisir l’importance du milieu du cirque au Québec. On ne peut pas la voir, car ses artistes vivent de 90 % à 95 % de l’exportation, selon la directrice sortante d’En Piste, Christine Bouchard. Entre l’arrivée, en 2014, de Mme Bouchard au regroupement national des arts du cirque et son départ, la semaine dernière, il y a eu la vente du Cirque du Soleil à des intérêts étrangers, un plan directeur pour le cirque, une pandémie. Entre autres. Regard sur les enjeux du cirque québécois en 2023.

 « Il y a des numéros, des spectacles qui n’ont jamais été présentés à Montréal. »

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« La pandémie a permis de se rendre compte de l’étendue du milieu du cirque d’ici », quand les artistes et artisans ont été contraints de rentrer au bercail, expliquait Christine Bouchard au Devoir à son dernier jour comme directrice d’En piste, le 24 février. « On a pu tout voir. Il y avait, quand je suis arrivée à En piste, et il y a encore aujourd’hui, un enjeu de perception sur le secteur du cirque. On ne voit pas sa richesse ni sa diversité. »

« En cirque, on a un haut taux de placement : les artistes, à la sortie des écoles, sont engagés. Ils partent en tournée à travers le monde, vendent leurs numéros à l’étranger. On ne les voit pas, ici. » Et c’est ce qui empêche de comprendre la taille et l’entièreté de la communauté. « Il y a des numéros, des spectacles qui n’ont jamais été présentés à Montréal. »

 

La vision monolithique qui colle au cirque est la rançon du succès. « Quand tu as dans un milieu des réussites comme celles qu’on a connues, à travers le monde, de grandes compagnies et même une multinationale, c’est certain que ça donne l’impression que le secteur du cirque est entièrement comme ça. Alors que c’est un écosystème qui est assez complexe — oui, c’est le seul secteur dans les arts de la scène du Québec qui a une multinationale dans son domaine. Et il est aussi diversifié, ce qu’on conçoit beaucoup moins », précise Mme Bouchard.

Tourner au cirque

Un grand rattrapage sur les conditions de pratique dans le milieu a été fait dans les huit dernières années, estime Mme Bouchard. « Il manquait beaucoup de choses de base quand je suis arrivée, ne serait-ce que la protection de la CNESST pour les artistes durant leur entraînement, qui existait en danse depuis plusieurs années. » Le cirque l’a gagné en 2018, alors que les danseurs sont couverts depuis 2006, pour les entraînements supervisés.

En Piste a ajouté d’autres services directs pour ses membres : des formations continues ; des programmes d’assurances collectives ; et, en 2021, une mesure d’aide à la diffusion, nommée Destination cirque, pour développer le cirque auprès des diffuseurs pluridisciplinaires à travers la province, afin qu’il puisse être vu ailleurs qu’à Québec et Montréal.

« Il n’est pas normal, selon moi, qu’on ne puisse pas voir un spectacle de cirque par semaine à Montréal, encore », pense la directrice sortante. Un des problèmes demeure le manque de diffusion. Et l’idée persistante qu’il faut encore des salles particulières, avec des capacités techniques et des hauteurs de plafonds exceptionnelles pour recevoir le cirque. « Il n’y a pas que de l’aérien ! poursuit Mme Bouchard. Il se fait maintenant des petites formes, du cirque jeunesse, etc. »

En augmentant les services aux membres, En piste a pu augmenter l’engagement de ces derniers et passer de plus de 250 membres en 2014 à 600 en décembre dernier. Les prochains défis ? La diffusion, à défricher encore. Et le financement. « Il y a très peu de compagnies qui sont soutenues au fonctionnement. La non-reconduction des 10 millions de dollars de la relance postpandémie ramène le financement gouvernemental du cirque au niveau de 2019. »

Pour Christine Bouchard, il est aussi « fondamental de développer la filière de formation préparatoire, qu’elle se poursuive à l’université. On a deux écoles reconnues, à Montréal et à Québec, mais au collégial seulement. Ensuite, il n’y a pas beaucoup de développement, et c’est un problème majeur. Il faut développer la réflexion critique, l’histoire du cirque, etc. On est mieux qu’on était, en cirque, mais il y a encore du chemin à faire. »

Nadia Drouin assure la direction générale d’En Piste par intérim.

Destination cirque, partout au Québec 

Mis sur pied par En Piste en 2021, en pleine pandémie, nourri par une enveloppe du Conseil des arts et lettres du Québec, Destination cirque est un programme pour inciter les diffuseurs pluridisciplinaires à tenter le cirque dans leur programmation. Ainsi, on a pu voir Afrique en cirque et son hommage à la diaspora guinéenne en novembre dernier à Rimouski, et le cirque de feu de PyroLumina à Saint-Casimir. Et on pourra voir, par exemple, le duo clownesque qui présente Camping en mars à Sherbrooke, le duo Hoops et ses cerceaux en mai à Paspédiac, ou le Cirque Le Roux à l’Assomption.

À la fin de l’année 2022, 35 diffuseurs avaient ainsi présenté 64 spectacles de 36 compagnies. En tout, 221 représentations ont été données, dans 16 régions différentes du Québec. Maintenant, « il faut développer des saisons cirque à travers le Québec », estime En Piste.

Lien de l'article : https://www.ledevoir.com/culture/784030/arts-de-la-scene-l-invisible-diversite-du-cirque-quebecois

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