L’art du cirque en effervescence au Québec, article d'Isabelle Pion, La Tribune, 12 août 2023

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En matière de diffusion des spectacles de cirque au Québec, il s’en est passé, des choses, dans les deux dernières années, avance Nadia Drouin, directrice générale par intérim de l’organisme En Piste.
« Il y a eu la pandémie. Ça a rapatrié beaucoup d’artistes qui étaient partis à l’international. Il y en a plusieurs qui ont décidé qu’ils créaient, qui prenaient ce temps-là pour réfléchir à une pratique plus personnelle… Il y a beaucoup de collectifs qui sont nés de ce retour aux sources là. On est en train de voir les fruits de ça émerger… » commente Nadia Drouin.
Cette effervescence coïncide avec une mesure d’aide à la circulation des arts du cirque. Cette mesure en est à sa deuxième année d’existence.
« Cette mesure d’aide là soutient les diffuseurs qui veulent courir le risque de présenter du cirque », note-t-elle, en soulignant que le nombre de représentations circassiennes a augmenté au Québec.
Avec le programme Destination Cirque, En piste demande aux diffuseurs de s’engager pour deux ans à présenter un minimum de deux spectacles de cirque différents par année. Le programme vient d’être reconduit pour deux ans. À l’heure actuelle, 37 diffuseurs se sont engagés.
« Tout ça fait que ça augmente la présence du cirque. Les collectifs qui ont émergé trouvent preneurs. Il y a comme une espèce d’alignement d’étoiles. La constellation cirque est en train de s’arrimer davantage », note Mme Drouin.
L’été demeure un moment fort pour ce type d’art, avec un large éventail d’événements, autant dans la métropole, le Bas-Saint-Laurent… que dans l’archipel madelinot. « Tout ça contribue à remettre le cirque sur la mappe. »
S’abonner au cirque
Le Centre culturel de l’Université de Sherbrooke (CCUS) fait partie des salles de spectacles québécoises qui font la part belle au cirque. Un abonnement a été créé spécifiquement pour ce volet il y a plusieurs années. Il a été créé sous la gouverne de Mario Trépanier, ancien directeur général du CCUS… et fervent amateur de cet art. Le Cirque Éloize s’est d’ailleurs souvent arrêté dans la salle sherbrookoise.
« La première ville à nous faire confiance, ça a été Sherbrooke », rappelle le fondateur du Cirque Éloize, Jeannot Painchaud.
Nadia Drouin pense de son côté que le prochain pôle circassien pourrait naître à Sherbrooke, où l’on retrouve « de bons porteurs de cirque ».
Malgré cet intérêt grandissant envers l’art circassien, il n’en demeure pas moins que beaucoup de sensibilisation reste à faire auprès du public, pensent Mario Trépanier et Nadia Drouin.
Cette forme d’art est très ancienne et très populaire à travers le monde, observe Mario Trépanier. Avec l’arrivée du Cirque du Soleil, on a découvert le cirque contemporain et une nouvelle façon d’aborder les arts du cirque, remet-il en perspective.
« On a encore des croûtes à manger au Québec pour la circulation du cirque contemporain. Beaucoup de villes commencent à en présenter depuis quelques années, mais c’est encore fragile, comparativement à d’autres formes d’art comme la chanson, le théâtre, la danse contemporaine… Les arts du cirque sont en train de prendre leur place dans les circuits de diffusion. »
Il nuance en rappelant que les salles peuvent avoir des défis techniques à accueillir ce type de spectacle, qui requiert des infrastructures spécifiques pour les besoins de la production et pour la sécurité des artistes.
« Au fil du temps, on commence à avoir des formes de cirque plus légères, demandant moins d’infrastructures techniques. »
Pas juste pour les jeunes
Ils sont nombreux à penser à tort que cet art se destine surtout à un public jeunesse. Or, le cirque peut être complètement éclaté, rappelle Mario Trépanier, qui a été à la barre du CCUS entre 2008 et 2022.
« Je pense qu’il y a encore du chemin à faire pour faire découvrir à un public adulte une offre pour adulte. »
À ses yeux, le cirque québécois « se situe bien » en matière de création, de production et de formation des artistes.
« Il y a un développement qui se fait à vitesse grand V depuis une vingtaine d’années, et plus les années avancent, plus ça se développe. C’est même exponentiel. »
Le cirque fait partie de notre culturel inconscient, note Mme Drouin, en rappelant la présence des clowns et des hommes forts. Il a cependant beaucoup évolué.
« Aujourd’hui, c’est sûr qu’on est rendus ailleurs », dit-elle, en citant notamment les troupes Flip Fabrique, Alphonse, Les 7 Doigts de la main, Éloize…
« C’est un beau challenge. On pourra dire qu’on est de cette génération qui a essayé de faire connaître autre chose… » observe Mme Drouin.
Aujourd’hui, les arts du cirque au Québec sont connus au-delà de nos frontières, ajoute Mario Trépanier.
S’il reste des défis, il y a néanmoins de beaux acquis, fait-il valoir également.
https://www.latribune.ca/arts/2023/08/13/lart-du-cirque-en-effervescence-au-quebec-AZW6S6LUJJGXLBZZRLXEFIA524/