La culture, vecteur de notre identité, est-elle une priorité ? (in French only)

Lettre ouverte au Devoir
Dominic Trudel et Julie-Anne Richard
Le premier est le directeur général du Conseil québécois de la musique (CQM). Il signe ce texte au nom du Front commun pour les arts et les lettres. La seconde est directrice générale de l’Association professionnelle des diffuseurs de spectacles - RIDEAU.
Le dernier exercice du genre remontait à 2017. Une éternité dans un contexte post-pandémique. Nous aimerions dire qu’une telle mobilisation spontanée nous surprend. Il n’est en rien. L’hiver dernier, rédigeant leur demande de subvention, des centaines d’organismes ont passé des dizaines d’heures à réfléchir et à mesurer avec rigueur leurs besoins financiers pour poursuivre leurs activités, les faire croître, assurer une juste rémunération à leur personnel et aux artistes.
Nos associations et regroupements, eux, s’affairaient à produire des études en prévision du budget ; ils ont chiffré et priorisé les besoins, démontré les retombées économiques générées par ce secteur, arguant que ce dernier, épuisé par la pandémie, était près du point de rupture, qu’un rattrapage financier était nécessaire. Nous avions bon espoir d’être entendus.
Puis, la réalité a frappé : un maigre ajout de 4,8 millions de dollars pour 2024-2025 au programme de soutien à la mission du CALQ, et autour de 8 millions les trois années subséquentes. Une fois le choc encaissé vint la colère, car, avec la fin de certaines mesures et de la diminution des fonds de certaines autres, une réalité est apparue : les crédits disponibles au CALQ pour l’ensemble de ses programmes passent de 161 millions de dollars l’an dernier à 160 millions cette année.
En outre, en creusant l’analyse encore davantage, on constate même que l’argent disponible pour soutenir spécifiquement le fonctionnement des organismes culturels passe, lui, de 97 millions de dollars en 2023-2024, à 90,9 millions en 2024-2025 ; une baisse de crédits en grande partie attribuable à la fin d’une mesure de 22 millions de dollars sur deux ans octroyés au CALQ dans le Plan pour consolider, faire briller et propulser le milieu culturel. Cette mesure mise en place en 2021 est venue aider les organismes à faire face à la pénurie de main-d’oeuvre et à contrer l’inflation en injectant 11 millions de dollars par année pour soutenir la mission des organismes. Retirer ce financement entraîne inévitablement un recul important. C’est 6,1 millions de moins pour affronter ces mêmes défis.
En visite à Paris la semaine dernière, le ministre, plus nuancé qu’au lendemain du budget, semblait concéder que les sommes disponibles étaient insuffisantes. Il dit maintenant « travailler activement avec le CALQ pour trouver une façon d’améliorer le soutien financier aux organismes culturels à même les enveloppes budgétaires du ministère ». Nous attendons mieux de ce gouvernement qui ne cesse pourtant de répéter que la culture, vecteur de notre identité, est une priorité. Nous attendons de lui qu’il adopte une véritable posture de développement vis-à-vis des arts et des lettres du Québec et qu’il procède à un rattrapage financier digne de ce nom.
Les enjeux sont clairs, les besoins abondamment chiffrés et détaillés. Nous n’avons plus le luxe du temps. Nos organisations et celles qui se joindront à nous, unies en ce Front commun pour les arts et les lettres, ne manqueront pas de le rappeler à sa mémoire au cours des prochains mois.
* Le Front commun pour les arts et les lettres regroupe l’Association professionnelle de diffuseurs de spectacles (RIDEAU), En piste (regroupement national des arts du cirque), le Conseil des métiers d’art du Québec (CMAQ), le Conseil québécois de la musique (CQM), le Conseil québécois du théâtre (CQT), la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ), le Regroupement de pairs des arts indépendants de recherche et d’expérimentation (REPAIRE), le Regroupement des artistes en arts visuels (RAAV), le Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec (RCAAQ), le Regroupement québécois de la danse (RQD), la Société des musées du Québec (SMQ), Théâtres associés (TAI), l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ).