Circus and its Others 2024 : un colloque sur la différence, solidarité et mobilité dans les arts du cirque

Le projet de recherche Circus And Its Others (CAIO) est un colloque itinérant axé sur les vastes questions d’altérité dans le cirque. Colloque nord-américain, dont la première édition a eu lieu à Montréal en 2016, il rassemble des chercheur.es et artistes du monde entier, toujours en collaboration avec un acteur local et souvent également un festival.
La dernière édition de Circus and Others a eu lieu à Bogotá début mars 2024, organisé par Karen Fricker et Charles Batson, avec Olga Lucia Sorzano chercheure et fondatrice de l’organisme de promotion des arts Arte Motion. Le colloque s’est mis en place en parallèle de la première édition d’un festival international et colombien de cirque à Bogotá : Achura Karpa. Tout ayant lieu au même endroit au centre-ville, l’événement est l’occasion d’une vraie rencontre entre recherche et pratique, chercheur.es et artistes (qui sont parfois les deux évidemment!). En savoir plus sur le projet et la communauté CAIO, et CAIO en Colombie dans un podcast.
Le festival Achura Karpa était soutenu par le ministère de la culture et les deux événements conjoints avaient pour objectif de donner signe fort sur la richesse et la vivacité du cirque colombien. Le ministre de la Culture de la Colombie a ouvert le colloque par une prise de parole.
Le focus du colloque était mis sur le cirque sud-américain (Argentine, Colombie, Brésil notamment), les interventions pouvant être données dans les trois langue espagnol, portugais et anglais et traduites simultanément par des interprètes.

De nombreuses interventions (prises des paroles, orientations, réflexions et communications) ont porté sur les particularités du cirque sud-américains et l’importance de la reconnaissance de son histoire et de son identité par rapport au cirque canadien et européen. Il y a un désir de « décoloniser » la pratique, d’affirmer une autre culture du cirque. Un cirque souvent plus engagé, plus politique, et qui tient ses origines dans ses revendications, se considère comme un vrai outil d’émancipation sociale et le lieu d’une vraie prise de parole. Le clown, en fait « payaso », y est notamment une figure importante (prend la parole pour exprimer ce qu’il ou elle ne pourrait pas exprimer sans personnage). Le cirque colombien se retrouve alors proche du théâtre physique. Le cirque social est un terme qui est débattu et peu assumé de ce côté du monde.
Au programme, l’envie de se détacher du cirque hégémonique qui semble avoir empiété sur la capacité de ces pays du Sud à assumer un cirque aux couleurs différentes. Le colloque représente alors une étape importante et publique, entre vœux pieux et mise en action, de la reconnaissance d’un cirque du sud, et entre autres, un cirque colombien. Pour Olga Sorzano, il faut désormais regarder le cirque depuis le sud et apporter à la recherche et au patrimoine du cirque depuis les esthétiques, les politiques, les cultures et histoires du Sud car il a été écrit et représenté par le nord jusqu’à aujourd’hui. Inventer leur propres histoires et modes de recherches comme ancrer les réflexions dans d’autres philosophies non occidentales et plus proches de leur culture et reconnaître d’autres influences (shamaniques, capoeira, rituels, écriture en circulos etc).
Ne pas opposer cirque de tradition et cirque contemporain, relier avec l’histoire. Une place donnée aux formes ancestrales d’acrobaties et renouer avec des pratiques spirituelles qui peuvent se rapprocher des pratiques circassiennes. Des communautés autochtones (Mexique et Colombie) sont invitées à parler, et à performer leurs rituels.
D’ailleurs Bogotá se dotera « bientôt » d’un lieu d’entrainement, de répétions et d’échanges ouvert inspiré du 104 à Paris, à la estacion La Havana, à côté de Circo Para Todos (école de cirque fondée par Felicity Simpson)

Autre thème récurrent de la conférence, aussi bien au Nord qu’au Sud se trouve la (non)place du cirque dans les universités et le besoin de l’y faire entrer et vivre pour participer à sa reconnaissance, à sa patrimonialisation, et à son avenir. S’invite aussi la question des pédagogies, plus inclusives, moins axées sur l’innovation et la productivité, sur des temporalités plus longues.
Le colloque montre beaucoup de désir de collaborations. C’est avant tout une rencontre d’un petit milieu transnational, qui se retrouve tous les 2-3 ans, se reconnait, se voit évoluer, et veut de plus en plus d’être ensemble, d’échanges de réflexions et de pratiques. Le thème du Keynote (présentation d’une heure sur un sujet pour stimuler des réflexions) est la solidarité.
Étalé cette année sur 4 jours, en marge d’ateliers, performances, projections, le colloque CAIO a pris une ampleur considérable et inédite depuis sa création. Tout.es les participants sont unanimes : on en veut plus, encore plus ! C’est enrichissant, stimulant, effervescent. On se sent lié.es dans une réelle communauté de pratiques qui se développe et progresse. Qui s’ouvre et mûrit. Des sous-réseaux fleurissent aussi, par thématiques de recherche, localement ou chez les jeunes chercheur·es.
En guise de conclusion des organisateurs quelques termes pour stimuler les réflexions :
- Pour resignifier il faut commencer par signifier
- Rompre les règles mais réfléchir en même temps à quelques autres règles qu’on on veut maintenir
- Le changement se fait dans la relation
- Généalogies plutôt que linéarités
- Histoires locales, globales, internationales, présentes, passées, tensions et contradictions
- La diversité et le changement surgissent de la réflexion de la complexité
- Le questionnement au cœur du développement
- Risastencia
- Tout faire est faire avec
- Au-delà du cadre est l’endroit le plus intéressant où être
- Solidarité
- Rituel
- Practice
- Contemporanéité
- Nord/Sud
- « America Together »
Retrouvez le programme de l'événement.
Et découvrez tout·es les participant·es.
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